MAEVA est le premier logiciel d’entraînement de l’empan visuo-attentionnel (VA) qui permet d’améliorer le niveau de lecture des enfants dyslexiques présentant ce type de déficit.
La lecture experte repose sur la reconnaissance rapide des mots. Or, cette reconnaissance n’est possible que si toutes les lettres du mot sont correctement identifiées en parallèle. Chez les lecteurs plus jeunes, la lecture est souvent sérielle, impliquant la reconnaissance rapide de graphèmes ou de syllabes. Là encore, il faut que toutes les lettres qui composent ces unités soient simultanément identifiées. Or, un certain nombre d’enfants dyslexiques ne peuvent identifier qu’un nombre très limité de lettres à la fois, on dit qu’ils ont un déficit de l’empan VA (Valdois, 2022).
Bases théoriques
L’empan VA correspond au nombre d’éléments visuels distincts qu’un enfant est capable de traiter simultanément. On le mesure classiquement par le biais d’épreuves standards de report global et partiel de lettres, au moyen du logiciel EVADYS
(https://www.happyneuronpro.com/orthophonie/espace-evaluation/evadys/).
Les recherches ont montré un déficit de l’empan VA en contexte dyslexique (Bosse et al., 2007 ; Liu et al., 2023). Le déficit est observé sur les épreuves standard de report de lettres, mais il est également objectivé lorsque les stimuli utilisés sont des chiffres ou même des stimuli non-verbaux (Lobier et al., 2012). Dans ces épreuves, les stimuli (en général des séquences de lettres, de chiffres, ou de stimuli non-verbaux) sont présentés en un temps limité (maximum 200 ms) afin de garantir le traitement parallèle des éléments de la séquence. En évaluation comme pour l’entrainement, Il faut contrôler très spécifiquement le temps d’affichage à l’écran pour s’assurer que le traitement s’effectue en parallèle au cours d’une seule fixation. Au-delà de 200ms, il est possible de faire une saccade oculaire pour reprendre de l’information sur les lettres et la réponse ne reflète plus le traitement parallèle requis pour une identification rapide.
Ces recherches nous apprennent deux choses : pour entrainer l’empan VA, (1) il faut des exercices qui demandent de traiter des séquences de plus en plus longues et (2) il faut contrôler rigoureusement le temps d’affichage à l’écran pour s’assurer que le temps de traitement est de plus en plus court. Ces deux principes sont utilisés dans le logiciel MAEVA.
MAEVA s’inscrit dans la lignée des outils thérapeutiques qui visent à améliorer le déficit cognitif sous-jacent à l’origine des comportements pathologiques. Il propose un entraînement ciblé de l’empan VA et à ce titre, n’est pertinent que pour la prise en charge des enfants dyslexiques qui présentent un déficit de l’empan VA.
Le logiciel est ancré sur des bases théoriques solides et la plupart des « ingrédients » du logiciel ont fait l’objet d’une évaluation rigoureuse dans le cadre de recherches menées en amont, et a été conçu dans un objectif d’efficacité : les temps de présentation et le déploiement de l’attention visuelle sont très strictement contrôlés pour un entraînement efficace de l’empan VA.
Il s’agit d’un outil scientifiquement validé. Des recherches comportementales ont permis de démontrer une amélioration de l’empan VA et de la fluence en lecture après un entraînement intensif même relativement court.
MAEVA propose un entraînement personnalisé. Il est doté d’un algorithme adaptatif qui adapte en temps réel la difficulté des exercices aux besoins de chaque enfant.
Les enfants doivent réaliser une tâche de catégorisation visuelle.
À chaque essai, une séquence de caractères s’affiche pendant un temps limité. Les enfants doivent répondre à une question qui est posée à la disparition de la séquence (ex : combien de lettres as-tu vu ?)
Décours temporel de chaque essai
Une phase de familiarisation est réalisée en amont de la tâche pour les éléments de chaque famille de caractères (5 familles).
Gestion de la difficulté des exercices
Pour gérer la difficulté d’un exercice, il faut prendre en compte les 3 dimensions (longueur de la séquence, temps d’affichage et question posée) en même temps. C’est en général plus facile de traiter une séquence de 2 caractères qu’une séquence de 4, mais ça ne l’est pas nécessairement si la première est présentée en 100ms et la deuxième en 500ms. De la même façon, répondre à une des questions est plus ou moins facile selon la longueur de la séquence et le temps d’affichage.
L’algorithme adaptatif intégré au jeu (Diard et al., 2010) permet de gérer les 3 dimensions simultanément et d’adapter le niveau de difficulté de chaque nouvel exercice en fonction de la réussite de l’enfant aux essais précédents.
L’espace de tous les exercices possibles est représenté par le cube le plus grand. L’exercice en cours est défini par sa position sur les 3 axes (représenté par l’astérisque)
L’algorithme peut définir l’espace des exercices légèrement plus difficiles et celui des exercices légèrement plus faciles. Il choisira un exercice au hasard dans l’un de ces espaces selon que l’enfant réussit ou pas l’essai en cours.
Remédiation ciblée
de l’empan VA
Outil validé
Algorithme adaptatif pour gérer la difficulté des exercices
Suivi de la progression
de l’enfant
Deux expérimentations ont été menées auprès d’enfants dyslexiques afin d’évaluer l’efficacité du logiciel. La première a porté sur 22 enfants dyslexiques qui présentaient un déficit de l’empan VA ; 11 enfants ont été entraînés avec MAEVA et 11 avec un logiciel contrôle. Les résultats montrent une amélioration plus forte de l’empan VA et de la fluence en lecture de mots réguliers et de mots irréguliers, chez les enfants du groupe MAEV (Valdois & Zoubrinetzky, 2023).
Nous présentons plus en détail les résultats de la seconde étude qui portait sur 45 enfants dyslexiques (Zoubrinetzky et al., 2019).
Population
L’étude a porté sur 45 enfants dyslexiques ayant en moyenne 10 ans 7 mois et un niveau de lecture estimé à 7 ans 5 mois. Ces enfants présentaient en moyenne un empan VA faible (à moins d’un écart-type de la moyenne attendue pour leur âge) mais un niveau de conscience phonologique dans la norme.
Les enfants ont été aléatoirement répartis en deux groupes :
– Le premier groupe de 23 enfants commençait par d’entrainer sur le logiciel MAEVA puis il s’entrainait sur un logiciel contrôle, le logiciel RAPDYS d’entrainement à la perception catégorielle développé par Willy Serniclaes et Grégory Collet. On l’appellera le groupe MAEVA – RAPDYS.
– Le second groupe commençait à s’entrainer sur le logiciel RAPDYS puis utilisait MAEVA, on parlera du groupe RAPDYS-MAEVA.
Entrainement
L’entrainement MAEVA était programmé sur 6 semaines, à raison de 15 minutes par jour, 5 jours par semaine. Soit une durée totalement d’entrainement de 7h30. Le temps d’entrainement avec RAPDYS était rigoureusement le même, suivant le même rythme.
Evaluation
Trois évaluations ont été effectuées : avant entrainement, après le premier entrainement, après le second entrainement.
À chaque test, on évaluait plusieurs dimensions cognitives et notamment le niveau d’empan VA des enfants et leur niveau de lecture.
Protocole
Protocole
Amélioration de l’empan VA suite à l’entraînement
avec MAEVA
– Forte progression de l’empan VA suite à l’utilisation de MAEVA dans les deux groupes.
– Peu ou pas de progression suite à l’utilisation de RAPDYS
La progression observée en Empan VA est bien due à l’utilisation de MAEVA.
Amélioration de la fluence en lecture suite à l’entraînement
avec MAEVA
– Forte progression en lecture suite à l’utilisation de MAEVA dans les deux groupes.
– Peu ou pas de progression suite à l’utilisation de RAPDYS
La progression observée en lecture est bien due à l’utilisation de MAEVA.
Conclusion
Les enfants dyslexiques améliorent leur empan VA et leur fluence en lecture (nombre de mots correctement lus par minute) après seulement 6 semaines d’entraînement intensif.
Sylviane Valdois : Chercheuse au CNRS, rattachée au LPNC (Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition de l’Université Grenoble Alpes). Elle a une formation initiale en orthophonie et étudie les bases neurocognitives des dyslexies développementales. Elle a supervisé l’ensemble des recherches qui ont permis le développement et la validation du logiciel MAEVA.
Muriel Lobier : Biostatisticienne, enseignante en SEGPA pendant plusieurs années. Elle a effectué sa thèse sur l’attention visuelle dans la dyslexie et a développé le logiciel MAEVA dans ce cadre.
Rachel Zoubrinetzky : Neuropsychologue au Centre référent des Troubles du langage et des apprentissages du CHU de Grenoble. Elle a contribué à la validation du logiciel MAEVA dans le cadre de sa thèse.
Julien Diard : Chercheur CNRS rattaché au LPNC (Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition de l’Université Grenoble Alpes), développe des modèles computationnels des fonctions langagières et de l’apprentissage de la lecture. Il est à l’origine de l’algorithme adaptatif qui gère la progression des exercices dans MAEVA.
Bosse, M.L., Tainturier, M.J. & Valdois, S. (2007). Developmental dyslexia: the visual attention span deficit hypothesis. Cognition, 104, 198-230.
Diard, J., Lobier, M. & Valdois, S. (2010). Bayesian modeling of human performance in a visual processing training software. Proceedings. 3rd International Conference on Applied Human factors and ergonomics. Miami, USA.
Gavril, L., Rosan, A. & Szamosközi, S. (2021). The role of visual-spatial attention in reading development: A meta-analysis. Cognitive Neuropsychology, 38,6, 387-407. DOI: 10.1080/02643294.2022.2043839
Liu, J., Ren, X., Wang, Y & Zhao, J. (2023). Visual attention span capacity in developmental dyslexia: A meta-analysis. Research in Developmental Disabilities, 136, 104465. https://doi.org/10.1016/j.ridd.2023.104465
Liu, T., Thiebaut de Schotten, M., Altarelli, I., Ramus, F. & Zhao, J. (2022). Neural dissociation of visual attention span and phonological deficits in developmental dyslexia: A hub-based white matter network analysis. Human Brain Mapping, 43, 17, 5210-5219. https://doi.org/10.1002/hbm.25997
Lobier, M., Zoubrinetzky, R. & Valdois, S. (2012). The visual attention span deficit in developmental dyslexia is visual and not verbal. Cortex, 48, 6, 768-773.
Perry, C. & Long, H. (2022). What is going on with visual attention in reading and dyslexia? A critical review of recent studies. Brain Sciences, 12, 87.
Peyrin, C., Lallier, M., Démonet, J.F., Pernet, C., Baciu, M., LeBas, J.F. & Valdois, S. (2012). Neural dissociation of phonological and visual attention span disorders in developmental dyslexia: fMRI evidence from two case studies. Brain & Language, 120 (3), 381-394.
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Valdois, S. (2023). Un déficit de l’empan VA est-il à l’origine de certaines formes de dyslexies ? In S. Casalis (Ed.): Les dyslexies (p.104-127). Masson: Paris.
Valdois, S., Peyrin, C., Lassus-Sangosse, D., Lallier, M., Démonet, J.F. & Kandel, S. (2014). Dyslexia in a French Spanish bilingual child: Behavioural and neural modulation following a specific VA span intervention program. Cortex, 53, 120-145. http://dx.doi.org/10.1016/j.cortex.2013.11.006
Valdois, S, Roulin, JL & Bosse, ML (2019). Visual attention modulates reading acquisition. Vision Research, 165, 152-161. https://doi.org/10.1016/j.visres.2019.10.011
Zoubrinetzky, R., Collet, GM., NGuyen-Morel, M.A., Valdois, S. & Serniclaes, W. (2019). Remediation of allophonic perception and visual attention span in developmental dyslexia: a joint assay. Frontiers in Psychology, 10:1502. doi: 10.3389/fpsyg.2019.01502.
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